God Save India...
Sâdhus
Au delà de l'apparence la spiritualité...
Si l'exotisme des tenues attire l'oeil occidental au premier regard, il ne faut pas oublier le but de ces renonçants qui est l'immersion dans la religion, dans sa phlosophie et la libération du cycle des renaissances.
Quelques instants de méditation sous un masque de cendres humaines pour se purifier l'esprit...
Sâdhu, samnyasin, ascète, homme saint, moine errant, baba, nâga, différentes dénominations pour une même personne qui suit la voie de la libération.
Rencontré lors de la Kumbh Mela d'Allahabad en 2013, ce Nâga baba à l'allure athlétique nous a ouvert les portes de son univers.
Traduction littérale en anglais "Goodlooking boy"... Nâga baba de Haridwar, sur les contreforts de l'Himalaya, il provient d'une famille aisée de brahmanes et a emprunté la voie de l'ascèse à 5 ans, avec un gourou. Il a fait des études de biologie, astrologie et médecine ayurvédique. Pratique différents yogas, à 6 heures du matin, pour capter les bonnes ondes de la journée... il fume souvent le shilom, peut être un peu trop, pour libérer son esprit.
L'ayant côtoyé un certain temps, nous avons remarqué que c'est un maniaque du ménage, a une sensibilité particulière pour le port des oeillets d'Inde, toujours frais et colorés, aime bien se parfumer, se poudre souvent le nez, et a une très haute considération de son image. S'occupant au sein de son Akhâra de la situation des femmes et des enfants de la région de Haridwar, il accorde une grande importance au côté humain de son ascèse, ouverte sur les autres et pas uniquement sur soi.
Habillés de cendres, de préférence humaines, récoltées sur les lieux de crémation à Bénarès en Inde ou Pashupatinath au Népal, les nâgas babas vivent nus, même sur les flancs de l'Himalaya où ils se retirent souvent. Loin du bruit de la ville, plus près du ciel et des Dieux, ils vivent en ermite, pour de rares contacts avec les hommes, notamment lors des Kumbh Melas.
Les visages burinés ne sont pas rares, les cendres assèchent les peaux et les produits de beautés ne font pas nécessairement partie du baluchon des renonçants.
Rien de tel qu'une Kumbh Mela pour montrer ses plus beaux atours, en l'occurrence des colliers de Rudraksha, dont les graines à une face, les plus recherchées d'après la légende, libèrent du cycle des réincarnations. Durant l'après-midi passée en sa compagnie, ce baba à l'allure martiale et au verbe haut, sûr de son autorité spirituelle et sociale, a redistribué la totalité de l'argent reçu en offrande, aux femmes et enfants qui lui paraissaient nécessiteux...
La Kumbh Mela, en dehors d'un lieu de pèlerinage et de rassemblement, est aussi un lieu de représentation, où l'on se montre, où l'on parade et quelque fois où l'on exhibe de manière un peu provocatrice, des attributs qui, dans d'autres circonstances seraient restés cachés. L'argent n'est pas un but en soi et les sâdhus ne sont pas sensés en avoir plus que de nécessaire. Le reste est distribué à l'ashram ou à l'Akhâra. Néanmoins l'appel à l'aumône est diversement interprété...
Devant le dhooni, à la fois âtre sacré et demeure d'Agni, le Dieu du feu, les sâdhus passent leur journée à méditer, discuter, fumer, refaire le monde, ou donner la bénédiction aux passants. Le trisul (trident), le kamandalu (récipient), la chimta (grosse pince à bois), la chola (sac à main) et le damaru (petit tambour) sont quelques attributs des shivaïstes.
Nâga baba à la Kumbh Mela d'Allahabad, bénissant les passants que nous sommes.
Sensibilité florale sur d'âpres visages...
Baba faisant le signe de bénédiction envers un passant.
Visage enfariné... avec des cendres humaines de préférence.
Venant du Kashmir, Patrigiri Maharaji, au doux visage bienveillant, s'est paré d'une épaisse couche de colliers en Rudraksha. L'oeil de Rudra, avatar de Shiva, est porté en chapelet afin d'améliorer la circulation sanguine, preuve d'une vitalité exemplaire.
Si l'abandon des biens terrestres fait partie de la vie des sadhus, cela n'empêche pas une attention particulière à un port altier et un décor qui se décline dans les mêmes teintes orange et safran, couleurs d'espoir. Les sâdhus sont très souvent des gens instruits, venant de familles aisées, dont la vie en religion est un choix et non pas un sacerdoce.
Les aghoris sont une secte, dont les coutumes plutôt extrêmes, vont jusqu'à manger des restes humains afin d'augmenter leur puissance spirituelle et sexuelle (même si celle-ci est niée...). Celui-ci joue sur l'ambiguïté de son habillement, en utilisant la peau de léopard, généralement propre aux aghoris, pour exprimer sa force.... A priori, ça n'en est pas un...
En attendant le passant à bénir...
Les auto-mutilations se traduisent également par la décision de rester le bras debout, jusqu'à ce que les articulations se calcifient et que la circulation se réduise au minimum. Le membre n'est plus qu'un appendice mortifié tenant tout seul debout. C'est en 1973 que ce baba a décidé de porter le bras en l'air. Il est devenu baba en 1970, alors qu'il avait une famille et des enfants.
Pas très bavard, nous ne l'avons jamais vu sourire... pas plus que les autres babas qui s'infligent des mortifications de ce type. Il faut croire que la vie n'est plus aussi gaie... Pourtant, il a fait des émules et d'autres, plus jeunes, poursuivent cette ascèse.